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Permettez-moi, cher Alain et chers amis, d'apporter ma contribution à cette soirée sous forme d'un petit texte que j'ai concocté pour cette occasion et que j'ai intitulé :

 

 

Quelques remarques à propos des femmes d'archéologues

C'est Françoise Xenakis, je crois,  qui a écrit un livre délicieux sur les mémoires des femmes de…
Dans cet essai, elle s'amuse à nous rapporter les discours fictifs des épouses restées dans l'ombre de quelques hommes célèbres.

Elle nous livre par exemple les réflexions de Mme Marx, épouse du philosophe et de Mme Freud, celle du psychanalyste, toutes deux, entièrement dévouées à leur grand homme. Elle cite également celles de Mme Mahler,  la femme rebelle  du compositeur viennois.

Alors, après avoir passé plus de 30 ans en la compagnie d'Alain, je me suis donc demandé : quel genre de femme serait idéale pour un archéologue ?


À priori, il semble que la solution la plus avantageuse, pour un archéologue, c'est d'épouser une femme, elle aussi archéologue.

Pourtant, force est de reconnaître qu'à l'usage, c'est épuisant ! Vous connaissez la chanson ? C'est quelque chose qui va comme ça :

Quand une marquise rencontre une autre marquise, qu'est-ce qu'elles se disent ? des histoires de marquises…Quand un vicomte rencontre un autre vicomte, qu'est-ce qu'ils se racontent, des histoires de vicomtes,  etc…

Alors vous imaginez, deux archéologues !


Donc, vivre  avec une femme pratiquant la même profession, ça n'est pas toujours la panacée.


Voyez Einstein, par exemple, son premier mariage avec une brillante mathématicienne, s'est soldé par un fiasco total ! Friction et frustration furent le lot de son épouse cantonnée dans son rôle de mère de famille, car vous n'imaginez pas Einstein changeant les couches de son dernier bébé !


Tout le monde le sait, pour qu'un homme puisse mener à bien sa carrière, et réaliser de vraies performances, il lui faut une femme entièrement dévouée à son bien-être. Einstein l'a bien compris, et après cette fatale erreur, il a complètement révisé sa stratégie.

Pour se consacrer entièrement à ses chers théorèmes, il fallait qu'il soit totalement déchargé de toute contrainte matérielle.  Alors, il a opté pour la solution la plus efficace qui consista à épouser sa cousine, une vieille fille dont le rôle d'épouse se borna exclusivement à jouer les nounous et à assurer l'intendance et le bien-être du génie. C'est grâce à son abnégation totale que l'humanité a pu bénéficier de la formule célèbre : E= mc2 .


Une solution intermédiaire consiste à s'apparier avec un conjoint dont les intérêts sont complémentaires. C'est cette forme de partenariat que nous avons essayé de pratiquer, Alain l'archéologue et moi la biologiste.


Tandis que mon époux se complaisait en la compagnie calme des squelettes, momies et tessons, je me passionnais pour leur équivalent en relations humaines, considérant la vie comme un champ permanent d'investigations ethnologiques.


Cette association maritale  devrait favoriser les échanges enrichissants dans les deux sens. Pourtant, on constate que la femme d'un médecin, au bout de certain temps, en sait presque autant que son mari, la femme d'un architecte sait lire les plans et moi je prétends que la femme d'un archéologue, à l'heure de la retraite de son époux, mériterait tout simplement qu'on lui  décerne son diplôme d'archéologie honoris causa.


En effet, durant toutes ces années, à force de côtoyer le spécialiste, le Rubané, le Cordé, la Tène, le Hallstatt,  le Moustérien et l'homme de Cro-magnon, tout ça, pour elle, ce n'est plus du bidon. Lectures et reportages durant les longues absences de son compagnon sur le terrain, ont complété sa formation.

Alors, Alain, merci pour m'avoir permis de m'ouvrir encore plus l'esprit, d'avoir pu rencontrer des gens formidables, d'avoir pu partager avec toi des voyages aussi plaisants que culturels ou la chasse aux nuragues, dolmens, menhirs, cromlechs, et autres cairns, nous ont permis  d'accéder à des endroits exceptionnels et de  vivre des moments d'émotion intense.

À juste titre, les femmes modernes ne veulent plus jouer les rôles d'éminences grises ou de faire valoir !  Alors, cela signifie -t-il  qu'à l'avenir, nous devrons nous passer de grands hommes ?

À défaut d'avoir été une femme d'archéologue idéale, celle à laquelle on dédie respectueusement ses manuscrits, j'espère, cher Alain, que notre partenariat t'aura permis  d'accomplir  ta carrière en te sentant néanmoins épaulé, entendu et soutenu. Mon souhait serait qu'on m'attribue un certificat d'épouse d'archéologue avec mention « satisfaisant ».

Agatha Christie, autre épouse d'un archéologue célèbre, ne disait-elle pas avec humour, que son mari l'appréciait d'autant plus qu'elle vieillissait,  car elle ressemblait de plus en plus à une antiquité ! Je n'en demande pas plus.

 

Bonne soirée  Alain et merci les amis !


Genève, 0ctobre 2003