La vision naturaliste
Adrien Jayet a été notre professeur de géographie physique au Collège Calvin de Genève. Nous l’avons retrouvé à l’Université de Genève lorsque nous préparions notre licence es sciences naturelles à l’occasion du cours de géologie et de paléontologie du Quaternaire, qu’il donnait alors bénévolement (il n’a été nommé officiellement professeur associé qu’en 1961).
Naturaliste et préhistorien à ses heures, Adrien Jayet était un chercheur de terrain formé à la rigueur de plusieurs disciplines et connu pour ses idées originales et souvent contestataires. Partisan d’une glaciation quaternaire unique et d’une approche stratigraphique des dépôts morainiques, il porte un œil critique sur la théorie des quatre glaciations alpines. On connaît son engagement en faveur de la dérive des continents de Wegener, un modèle alors largement contesté. Malacologue reconnu, il effectue de nombreuses analyses dans des sites littoraux qui font de lui un ferme défenseur des stations lacustres construites en eau libre. Nous lui devons surtout une première approche de la stratigraphie des terrains quaternaires de la région lémanique. Au cours de ses prospections, Adrien Jayet effectue de nombreuses récoltes de matériaux préhistoriques provenant des fronts de tailles des carrières.
Dès 1934 et jusqu’à sa mort, il se rend régulièrement dans les carrières de Veyrier (mis à part l’interruption de la guerre) pour y surveiller l’avance des travaux, y récolter les vestiges découverts par les ouvriers et y effectuer des observations d’ordre géologique. Il récolte ainsi la plupart des restes osseux humains attribués à l’époque au Magdalénien. Une dernière calotte crânienne sera transmise par un ouvrier en 1954, à l’occasion d’une excursion de collégiens à laquelle nous participons. On doit aux observations consignées année après année dans ses carnets méticuleusement tenus l’essentiel de notre compréhension géologique de cet important gisement . On trouvera un excellent résumé de ses observations dans le livre d’Isaline Stahl-Gretsch : Les occupations magdaléniennes de Veyrier : histoire et préhistoire des abris-sous-roches…
Il effectue également des observations sur des horizons du Bronze final du pied du Salève (Tufières de Veyrier, Carrière Chavaz, le Coin) et des collectes dans les carrières du Lessus à Saint-Triphon ; mais ses conceptions très particulières de l’évolution de la céramique préhistorique – il rejette toute évolution typologique et technologique – l’empêche de tirer parti de ses découvertes. Il entreprend également de véritables fouilles stratigraphiques dans plusieurs gisements préhistoriques. Sur le plan géologique, il réunit de nombreuses observations sur la sédimentation holocène et individualise un horizon dit des « terres rouges » qui pourrait être contemporain de l’optimum climatique de l’Atlantique. Il publie, en collaboration avec Marc-Rodolphe Sauter, un article qui fera date : Observations géologiques et archéologiques récentes sur les terres rouges (1953), première tentative de mise en relation des données archéologiques avec l’évolution géologique des versants, vue depuis lors partiellement contestée.
Thème
En naturaliste complet, Adrien Jayet nous a mené au contact du terrain. Il nous a fait découvrir la géologie du Quaternaire et, à travers la botanique et la malacologie, l’écologie. Nous avons appris alors qu’il est possible d’analyser et de comprendre la nature à travers diverses disciplines d’observation et de classement et de proposer des théories générales pour comprendre les phénomènes. Il nous a fait découvrir et toucher pour la première fois des vestiges archéologiques découverts lors de nos excursions. Nous avons également appris que ces théories pouvaient faire l’objet de contestations.
Au départ se situe l’observation, au contact direct des phénomènes. Nous admirions ses carnets admirablement tenus où il consignait ses observations géologiques accompagnées de nombreux relevés stratigraphiques.
Cet intérêt pour l’environnement géologique quaternaire a été à la base des programmes de prospection que nous avons développé par la suite dans le domaine alpin.
Réponses
Adrien Jayet nous a apporté une première réponse à l’enchantement que la nature provoquait en nous depuis nos séjours au Tessin. Cette nature était sujette à connaissances.
Trois articles rédigés dans cette perspective
– GALLAY (A.), KAENEL (G.). 1981. Repères archéologiques pour une histoire des terrasses du Léman. Archs suisses d’anthrop. générale (Genève), 45, 2, 129-157.
– GALLAY (A.). 1988. Les chasseurs de rennes de Veyrier pouvaient-ils contempler le glacier du Rhône ?. In : Le grand livre du Salève. Genève : Tribune Editions, 24-47.
– GALLAY (A.). 1990. La préhistoire : des chasseurs de rennes au pied du Salève. In : Veyrier. Veyrier : Commune, 1.
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